Gestion et développement des ressources humaines

Publié le: 24 mars 2022


Photo: unsplash.com Jo Szczepanska


Article de Julien Rosselet,

Responsable RH et Co-directeur a.i. à l’ASPMAD CMS Nord vaudois

publié sur Linkedin le 26 février 2022


Mais comment donc une personne très efficace dans ses tâches pourrait ne pas réussir ? Eh bien, en se focalisant de manière excessive sur l’obtention de résultats et sur la « productivité » ou « l’efficacité » de son équipe, et ce au détriment d’une attention suffisante aux relations avec son entourage et au développement des compétences de ses subordonné-e-s.

Des cadres particulièrement compétent-e-es dans leur domaine, efficaces, engagé-e-s et focalisé-e-s sur le dépassement des objectifs, il y en a de nombreux. Et pourtant, est-ce que ce sont eux les leaders les plus performants pour une organisation ? Rien n’est moins sûr selon plusieurs recherches ! (Zucker, 2019)

Pourquoi ? Car ces managers, focalisé-e-s sur les réalisations concrètes et l’obtention de résultats immédiats, peut créer passablement de dommage autour d’eux ou elles, et pour eux ou elles-mêmes également. En se montrant trop exigeant-e-s, ils ou elles épuisent leur équipe et génère des absences et des départs. En négligeant les personnes et le développement des compétences (car cela prendrait un temps précieux pour faire avancer les objectifs), ils ou elles détériorent le climat de travail et démotivent les employé-e-s (voir p.ex. mon article sur la motivation). En estimant que montrer de la compréhension et de la solidarité dans l’organisation est une perte de temps, ils s’empêchent de tisser des liens de collaboration qui leur seront utiles pour être performants dans les changements organisationnels et dans leur propre évolution.

Cette différence d’approche entre des managers centré-e-s sur les résultats ou centré-e-s sur les personnes est un classique des théories du management, identifiée depuis longtemps par Blake et Mouton (1964). Presque 60 ans plus tard, j’espère qu'il est aisé de se convaincre que les deux axes sont importants.

Toutefois, réussir à le faire en pratique est une autre affaire ! Penchons-nous d'abord sur ce qui peut constituer les obstacles...

Nos croyances nous barrent la route

Souvent, les cadres qui sont excessivement focalisé-e-s sur les résultats ont des croyances qui les empêchent d’accorder toute la valeur nécessaire aux relations et au développement des personnes. Cela peut être considéré comme une perte de temps, comme un obstacle irritant dans l’atteinte des objectifs, ou comme quelque chose qui ne relève pas de leur responsabilité (« Je ne suis pas leur mère, ou leur psy ! »). Ceci est bien sûr faux. Ne pas considérer les aspects relationnels et humains, c’est globalement poser les bases d’inefficiences et de problèmes futurs, et se priver de ressources à venir. Les recherches nous montrent que les cadres uniquement focalisés sur les tâches sont moins performants ! (Zucker, 2019)

Il peut y avoir aussi des croyances concernant la manière de faire. Personnellement, je croyais que, pour que des actions orientées vers les personnes aient une valeur, et donc un impact, elles devaient être spontanées, « naturelles ». J’ai réalisé, au fil du temps, que c’était parfaitement FAUX ! Vous vous demandez comment ? Eh bien, j’avoue que je n’en suis pas très fier, mais je pense que si je ne le raconte pas, cet article sera moins efficace à vous convaincre que cela vaut la peine de changer son fusil d’épaule. Je travaillais dans un service RH d’une grande entreprise et nous avions l’habitude d’envoyer une carte de félicitations aux personnes qui venaient d’avoir un enfant. Bien entendu, nous ne connaissions pas personnellement ces gens et les avions, au maximum, rencontrés à quelques occasions. J’étais personnellement peu convaincu face à ces cartes, pensant qu’elles avaient peu de sens car nous avions peu de liens avec les jeunes parents. Et pourtant, mon cynisme a pris du plomb dans l’aile, lorsqu’une employée de retour de son congé maternité m’a remercié chaleureusement, en m’expliquant à quel point elle avait été touchée par cette carte et cette attention.

Dont acte, j’ai bien dû réviser mes idées. Et j’ai réalisé que au fond, ce qui compte ce n’est pas la spontanéité de l’action, mais qu'elle ait eu lieu!

Maintenant que nous avons a identifié ce qui peut nous bloquer pour évoluer dans nos pratiques, je vous partage quelques pistes, trucs et astuces, basés sur mes propres expériences et sur un article de Rebecca Zucker (2019).

Obtenez du feed-back

Percevoir les effets de son propre comportement sur autrui n’est jamais facile. Mais le plus simple reste encore de poser la question ! Approchez des collègues, votre responsable, des personnes de confiance pour savoir comment ils ou elles perçoivent votre approche et l'équilibre entre les tâches et les personnes, ou encore ce que vous pourriez faire pour démontrer davantage d’attention aux aspects humaines. Si vous craigniez que les réponses ne seront pas franches, l’aide d’un-e coach externe peut être très utile.

Mettez en place des routines

Vous êtes efficace à réaliser les choses ? Pourquoi ne pas considérer l’orientation sur les personnes comme une de vos tâches de manager ? (Il se trouve que c’est le cas. Il y a sûrement quelque chose dans votre description de poste concernant le climat de travail.) Définissez quelques actions concrètes concernant vos relations et le développement de votre équipe, et réalisez-les.

Vous pouvez planifier des entretiens périodiques avec vos subordonné-e-s, lors des entrées en fonctions, durant les stages, dans les projets, mettre en place des entretiens de feed-back, etc.

C’est personnellement une technique que j’utilise abondamment. En tant que Responsable RH et membre de la direction, je passe mon temps dans des entretiens et des séances. Entre mon agenda bien rempli et mes employé-e-s à temps partiel, la plupart du temps je ne fais que croiser mon équipe ! Alors j’ai bien dû me rendre à l’évidence : la petite discussion à l’improviste devant la machine à café… c’est trop imprévisible et rare pour que je puisse compter dessus.

J’ai donc pris l’habitude planifier les échanges avec mon équipe, que ce soit en groupe, en individuel, pour les coacher et les guider dans des nouvelles tâches, etc. Par exemple, lors de l’arrivée d’une nouvelle personne dans l’équipe, je planifie dès le début : un entretien après 1 semaine, 2 semaines, 1 mois, 2 mois et 3 mois. Cela fonctionne tellement bien, que souvent je me dis : « Tiens, cela fait un certain temps que je n’ai pas discuté avec cette personne, je devrais peut-être faire le point. » Et le rendez-vous est souvent déjà planifié quelques jours plus tard ! Vous craignez de perdre du temps à rencontrer "pour rien" une personne avec qui cela fonctionne? Rappelez-vous cette maxime qu'une candidate m'avait partagée:

Ce qui va bien sans le dire, va mieux en le disant!

Et puis, passer quelques minutes avec une personne qui fait du bon travail, je dois que j'ai vécu plus désagréable. Profitez-en pour reconnaître ses qualités et l'encourager!

Pratiquez votre auto-observation

Essayez d’identifier les moments où vous êtes impatient-e-s ou lorsque vous avez envie de "brusquer" les choses. Cela vous aidera à être davantage conscient-e de vos propres réactions et de vous focalisez sur les personnes. Cela vous permettra aussi de solliciter du feed-back de manière plus ciblée (voir ci-dessus).

Et adaptez votre comportement

Grâce aux regards et feed-back de vos collègues et à votre propre observation, vous avez l’opportunité de revoir vos habitudes. Prenez un instant et choisissez de laisser un instant de côté les résultats pour vous pencher sur les personnes. Cela peut être de prendre quelques minutes pour remercier ou féliciter quelqu’un, ou encore de transmettre vos compétences ou vos savoirs à des membres de l’équipe.

Votre équipe vous le rendra au centuple ! Pour conclure :

« Être un héros qui donne les 10% d’effort en plus est certainement louable, mais de loin pas aussi efficace que d’être celui qui comprend comment amener chaque personne que vous supervisez à fournir un 10% de plus. » (Moore, 2021, traduit par nous)

Pour aller plus loin, je vous invite à consulter mon article expliquant pourquoi et comment votre succès dépend de la réussite de votre équipe!

Références :

Blake, R., & Mouton, J. (1964). The Managerial Grid: The Key to Leadership Excellence. Houston, TX: Gulf Publishing Company.

Moore, M. G. (2021, November 25). Stop Doing Your Team’s Work for Them. Harvard Business Review. A retrouver ici

Zucker, R. (2019, February 12). Why Highly Efficient Leaders Fail. Harvard Business Review. A retrouver ici


Lien vers l’article original

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Article par :

Julien Rosselet

Fonction prof: Responsable RH

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